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Review :"L'Art de la Joie" G.Sapienza




Modesta, dans L'Art de la Joie est une femme libre. Libre de penser, libre de vivre, libre de baiser.



"Ici, chacun est libre de vivre et mourir comme il lui plait le mieux."



La Princesse Gaia annonçait déjà cette liberté omniprésente dans le roman. Modesta est toujours à se renseigner, à apprendre, elle cherche le juste, le meilleur. Elle se veut libre, et se libérer des préceptes qu'on nous inculque dès la naissance. Et pour cela, elle lute aussi contre les préjugés. Les siens comme ceux des autres.


Cette liberté passe aussi par la liberté de son corps. Une liberté qui ne passe pas toujours. Et on en revient à une chose dont j'ai déjà parlé : la femme qui a eu différentes expériences et considérées comme une putain.


-" Et qui sait combien de professeurs tu as eu, hein? Maintenant, je comprends pourquoi tu te déshabilles si facilement et me caresse comme...


-" Va, dis le, sinon avec le vrai mot de putain, du moins avec l'euphémisme de Turati. Allez, dis-le ! Comme une salarié de l'amour"



Mais Modesta, parle aussi masturbation, soit la liberté de se donner du plaisir, seule. Dans ce contexte, Modesta doit retourner au couvent :


" Là où je devais retourner, je n'aurais que cet amour solitaire dont je savais maintenant comment il s'appelait : masturbation. Quelle chose triste, quel truc de religieuse, pensai-je et me me mis à rire."


Les mots, sont forts et abolissent les tabous, les murs des prisons et sont un affrontement dans le roman. Modesta se sert des mots pour apprendre ce qui l'entoure et pour conquérir le monde mais elle se rend aussi compte à plusieurs reprises que les mots sont une prison de par le sens qu'ils ont pour les autres.


Mais, elle ne s'arrête pas là, elle parle aussi avortement :


-" Et moi quelques jours avant, dans une petite chambre propre et sans souffrir, par une simple opération, je me suis libérée d'une malédiction. Et je le referais si l'intention te prend de me river."


[...]


-" Et comme ça tu t'es débarrassée d'un enfant ? [...]


- Oui


- Sans souffrir ? Comment ça peut se faire?


- Les temps changent, Carmine, la science découvre plein de choses. Et cela en notre faveur, à nous, les femmes."



Ces petits mots sur l'avortement de Modesta, je trouve ça fantastique! FANTASTIQUE !


Certes, aujourd'hui, l'IVG est un droit. Mais la société fait toujours autant peser sur la femme le poids d'une culpabilité inexistante. Le mot ici de "malédiction" est je trouve un choix merveilleux. Comment peut-on considéré un enfant non-voulu comme une bénédiction ? Comment, si l'on ne peut donner le meilleur à cet enfant, peut-on le voir comme une bénédiction?


Et surtout, dans notre vision laïque de la vie, on peut encore penser en des termes comme "bénédiction" et "malédiction" ? On se rend bien compte dans l’insouciance qui sort de cet échange que la prison dans la quelle nous vivons n'est que le "bien penser" qui nous entoure.


C'est d'autant plus fort, que de nos jours, l'avortement est encore perçu honteusement. Et notamment par les femmes, elles-même, alors que cela était un gain d'indépendance, de maîtrise de soi et de sa vie. Une liberté.


La liberté chez Modesta passe par une maîtrise de son corps. Une indépendance en quelque sorte.


Pour conquérir le monde, la vie, il faudrait alors conquérir son corps, en être maître et être son allié. On peut reprendre cette sentence attribuée à tort à Socrate " Connais toi toi-même " qui à l'origine était : " Connais toi toi même et tu connaîtras l'univers et les dieux". Passer par la connaissance de soi, de ses limites pour connaître le monde..J'aime bien cette conception.


Modesta tue les concepts soumettant l'Homme. La religion, la nature et le destin :


"Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de destin! Cette terre était destinée à rester un désert de lave et nous en trois générations nous l'avons rendue fertile comme dans la vallée. Le destin! Rien que des bavardages inutiles de femmelettes! "


Le roman est publié en 1996 mais cela faisait vingt ans qu'il était écrit soit 1976 !


Les sujets abordés restent actuels : homosexualité, amour, amitié homme/femme, féminisme, montée des extrêmes, éducation des enfants, conformisme, liberté, libre penseur .....


Le roman véhicule une vision particulière de l'amour . L'amour y est vu comme une illusion mais aussi comme une sensation de plénitude :


" Une tendresse jamais connue auparavant me faisait être tranquille au milieu de ces arbres qui tournaient autour du soleil, sûre de ne pas sombrer."


Ce sentiment d'amour n'est pas que tranquillité, il est aussi angoisse. On retrouve aussi la fameuse distinction entre aimer et désirer au détour de phrase comme


" J'aime Carlo et ma nature te veut".



Mais ce que le roman a de plus impressionnant, de plus fort, ce qui m'a calmée un peu, c'est cette faculté pour Modesta de tomber amoureuse, de ne plus aimer, d'être aimée et surtout de ne pas sacraliser l'amour, de ne pas le rendre éternel.


Cette idée de l'amour éphémère me rend dingue de joie, peut être parce que je suis instable et que l'idée d'un amour éternel s'avère incompréhensible ou encore parce que la peur de me tromper sur l'homme de ma vie ou la femme, que sais je, me fous une pression monstre.


"Pensez que je suis un lâche si vous voulez, mais ne m'en veuillez pas,

car je vous ai aimé pendant une heure !"


Il est certain que sacraliser l'amour ça rend les choses de la vie plus complexes et moins saisissables! Mais, il faut croire que l'idée que l'amour est une maladie qui nous tombe dessus, est encore présente dans nos inconscients, ce qui donne une certaine gravité qui effraie!


-" Eh bien, ce garçon là, j'aurais pu l'aimer si je n'avais pas penser à toi.

- Quelle découverte ! Tant pis pour lui s'il n'a pas su être à ma hauteur.

- Maudit que tu es ! Voilà ce que je voulais t'entendre dire. Alors, si après toi je ne trouve personne à la hauteur?

- Tant pis pour toi si tu ne sais pas le trouver !"


Voilà, ce n'est pas grave. L'amour, ce n'est pas grave. Il y en a d'autre ! On peut aimer plusieurs fois !

Et puis, voilà, on y est dans ce dialogue, l'amour n'est plus une maladie qui nous tombe dessus, l'amour se cherche, se trouve, répond à des expériences, des rencontres, l'amour se construit et pourtant il reste une part de mystère.


Et justement, ce qu'il y a de fou c'est que malgré cela, l'amour garde son magnétisme, sonmystère. On est attiré pour on ne sait quelles raisons, on peut être passionné et totalement irrationnel.


Aimer, c'est avoir du goût pour je ne sais qui, je ne sais quoi puisque selon Shakespeare


"on peut aimer un homme, une femme, un arbre et peut être même un âne."



Prendre sa plume
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